Coups de coeur
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« Tel père, tel fils » de Hirokazu Kore-Eda

Il est des films dont on parle très peu et qui passent dans de petites salles (pas assez « grand public » pour être projetés dans les ciné-cités…). Pourtant bien souvent, ils valent le détour. C’est le cas de « Tel père, tel fils » du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda. Cela dit en passant, il a quand même été sélectionné au Festival de Cannes…

Alors oui c’est un film japonais, oui ce n’est pas un film d’action, oui tous les acteurs nous sont totalement inconnus. Mais le sujet du film est tellement universel. Il pose la question de la parentalité. Le lien qui existe entre un enfant et ses parents est-il un lien du sang ou le lien affectif qui se crée au fil des années et des souvenirs qu’on se fabrique ensemble ?

Nous avons sur ce sujet chacun nos réponses. Et je n’ai pas attendu de voir ce film pour me faire ma propre idée sur la question. Ma vie et celle de gens que j’aime m’ont apporté depuis longtemps la réponse.

Mais j’étais quand même curieuse de voir ce film pour découvrir le nouveau cinéma japonais. J’avoue avoir d’énormes lacunes sur le sujet. Hormis Wong Kar-wai (et le sublime « In the mood for love »), Hayao Miyazaki (j’aime tout de lui…) ou encore Nagisa Oshima (pour son sulfureux « Empire des sens », que j’ai vu par curiosité mais pas vraiment aimé…), je ne connais absolument rien d’autre. Donc me voici partie au ciné pour découvrir « Tel père, tel fils » dont on m’avait dit le plus grand bien.

Ryota Nonomiya, un brillant architecte, bourreau de travail, tient absolument à ce que son jeune fils de six ans, Keita, apprenne le piano, la compétition, la durété de la vie et intègre la meilleure école privée de la ville. Il laisse à son épouse, Midori, le soin quotidien de l’enfant. Leur univers est ébranlé lorsque l’administration de la maternité où Keita est né leur apprend qu’il y a eu échange d’enfants à la naissance. Ils rencontrent leur fils biologique, Ryusei, et ses parents, des gens simples et aimants, qui déplaisent à Ryota. Les deux familles doivent faire face à un choix impossible. Ryota croit, lui, dur comme fer, à la voix du sang…

Alors c’est vrai, l’idée n’est pas nouvelle et quand on lit le pitch ça fait penser à « La vie est un long fleuve tranquille ». En France on en a fait une excellente comédie. Au Japon, cela donne l’occasion de réfléchir sur la filiation, sur la place que l’on doit donner à la biologie en matière familiale. C’est également un « portrait » du Japon d’aujourd’hui et j’ai découvert la vie dans cette île. Pour moi le Japon c’est Tokyo et les images qu’on peut voir dans les films. L’agitation, la foule, les lumières d’une ville ultra moderne. Ici on entre dans l’intimité des personnages et on les regarde vivre. Ces deux familles tout les oppose. La famille de Keita est une famille aisée. Le père de famille est un cadre ambitieux qui ne supporte aucun échec et pousse son fils à une excellence sans limite… Il doit intégrer une école primaire haut de gamme, réussir une audition de piano… Pas de place ici pour le jeu et la tendresse. De l’autre côté, la famille de Ryusei. Elle appartient à la classe sociale ouvrière. Dans leur maison il y a du bazar partout, les enfants prennent leur bain tous ensemble, c’est bruyant, agité, vivant tout simplement.

Les deux garçons vont donc changer de famille… et les parents changer d’enfant. C’est à partir de ce moment là que la vie de Ryota se fissure. Confrontées à la réalité, ses convictions s’effritent. Quel beau personnage que celui de Ryota. Bien sur tous les autres comédiens ont leur place dans l’histoire et sont excellents. Les deux mères sont tellement touchante. Surtout celle de Keita. Elle n’a eu que cet enfant et ne pourra pas en avoir d’autre. Comme elle ne travaille pas sa vie tourne autour de son mari et de son enfant. On comprend d’ailleurs que c’est un problème pour Ryota… Pas facile d’être une femme à la maison avec un homme qui prône la réussite sociale et professionnelle.   Et le père de Ruysei ! Il est tellement sympathique. Il est simple et bon vivant. Et on adore le regarder se rouler par terre avec les enfants

Mais ma préférence va à Ryota, interprété par Masaharu Fukuyama. C’est un personnage dur, enfermé dans une carapace, incapable de la moindre tendresse envers sa femme ou son fils. Pour lui, la seule chose importante est la réussite. Alors, quand il apprend que son fils n’est pas le sien il s’exclame « tout s’explique alors… » Le manque de motivation de son fils pour le piano, sa gentillesse et sa douceur qui font de lui un être faible… Parce que pour lui la voix du sang est bien plus forte que celle de l’éducation. Peu importe qu’ils aient élevé cet enfant pendant 6 ans. De toute façon il était si peu présent qu’il n’a pas eu le temps de créer une vraie relation avec lui. Alors il accepte l’échange. Il n’imagine pas le bouleversement qui va alors se produire en lui. Nous, spectateurs, on le regarde évoluer très doucement. On le voit douter, se poser des question, vaciller… Quelle belle scène que celle où il trouve les photos que Keita a fait de lui. Quel acteur ! Ses émotions sont palpables, on les ressent avec lui.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser ce film n’est jamais ennuyeux. Lent surement, mais c’est pour mieux comprendre les personnages et saisir leurs émotions. C’est beau, tendre, émouvant. Hirokazu Kore-eda a un regard sans jugement sur ses personnages. Il ne cherche pas à théoriser mais plutôt à nous faire réfléchir sur nos propres relations avec nos enfants ou nos parents. Prenons-nous le temps de créer cette filiation ?

Voilà, c’est du cinéma comme j’aime. Bien sur si tu veux aller au ciné pour te divertir et rigoler là il vaut mieux éviter…

Je vous laisse avec Hugh Coltman et « It’s OK ». Ca faisait longtemps que je ne l’avais pas écouter. Celle-ci est une de mes préférées.

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Ancienne parisienne devenue lyonnaise… pas très bavarde voire même un peu « sauvage » et surtout passionnée de street art. Flâneuse urbaine, j’aime partager mes plus belles découvertes avec vous !

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