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« America latina », 50 ans d’histoire en images

Jusqu’au 6 avril 2014, la Fondation Cartier propose une très belle exposition sur l’Amérique latine. A travers le regard de 72 artistes, nous revisitons l’histoire de ce continent, de 1960 à 2013. Rien à voir avec les expos photos habituelles. Ici les artistes veulent raconter les dictatures, les guérillas, la violence, l’instabilité politique et économique…

Rassemblant plus de 70 artistes de onze pays différents, l’exposition révèle la grande diversité des pratiques photographiques en présentant aussi bien le travail de photographes que des œuvres d’artistes contemporains. En effet, l’expo n’est pas que photographique. Il y également des films, des montages visuels ou textuels.

Hier j’ai pu la visiter, accompagnée d’une guide originaire d’Argentine adorable et très fière de SON Pape François ! Grâce à elle nous avons pu comprendre la volonté des artistes de certaines des oeuvres.

J’ai beaucoup aimé la première oeuvre qu’elle nous a présenté : un immense puzzle composé de morceaux de photos. Carlos Gardel, Frida Kahlo, une paire de fesses sur la plage de Rio, une bouteille de Tequila, des militaires, un temple précolombien… L’artiste brésilienne, Regina Silveira, a imaginé ce puzzle (il inaugure le parcours de l’expo et résume à lui seul le projet des 5 commissaires) comme une «sorte de carte mentale, une métaphore du problème de l’identité propre à l’Amérique Latine» (selon les mots de l’artiste).

L’exposition est organisée en 4 espaces. « Territoires », « Villes », Informer-Dénoncer » et enfin « Mémoires et identités ».

« Territoires ». Cet espace expose les oeuvres de 12 artistes qui posent la question de « l’identité » globale mais aussi nationale de ce sous-continent. Diversité de populations, diversité de problématiques. Une des questions qui se posent est celle de l’identité de l’Amérique latine et de la relation entre la photographie et le langage. On y voit donc le grand puzzle de Regina Silveira (Brésil). Ce puzzle change à chaque exposition car elle montre que ce continent peut faire l’objet de différentes lectures en fonction de la personne qui le regarde. Les pièces noires représentent les zones sombres et cachées de l’histoire. Luiz Zerbini (Brésil). Son oeuvre s’appelle « Centena » est fait référence aux 100 diapositives qui la composent. Ses diapositives représentent des signes japonais. La population japonaise est la deuxième plus importante à Sao Paulo. Claudia Andujar (Brésil), artiste d’origine juive très marquée par le nazisme. Elle est très engagée dans la défense du territoire de la population Yanomami dans les années 70. Elías Adasme (Chili) nous offre une oeuvre très surprenante réalisée en 1979, en pleine dictature de Pinochet. Il se prend en photo pendu par les pieds à côté de la carte du Chili, en dessous de la station de métro « Allende » pour dénoncer l’assassinat de Salvador Allende. On le voit également de dos, nu dans une pièce noire. Une façon de dénoncer la torture et la censure. Sur la dernière photo il s’est pris en photo avec le mot « Chile » écrit sur son corps. Il est à côté de la carte du Chili sur laquelle il a barré le mot « Chile ». Il dit dit ainsi son espoir car finalement le Chili n’est pas un territoire mais ce sont les hommes qui l’habitent qui en font ce qu’il est. Il ne faut pas laisser le pouvoir politique décider à notre place. L’objectif de cette oeuvre était d’exposer les photos dans certaines endroits de la ville pour voir combien de temps elles restaient sur les murs avant d’être enlevées par la censure. On peut voir un petit panneau sur lequel sont écrites les durées de « vie »…

« Villes ». Plus de 80 % de la population vit dans les villes qui ne cessent de grossir. Les photographes la mette en image pour rendre compte de la réalité qui les entoure. Ils veulent montrer les conditions miséreuses dans lesquelles vivent les gens. On peut y voir les photos de Bill Caro (Pérou), cet artiste peintre faisait des photos pour ensuite les reproduire en peinture. Facundo de Zuviria (Argentine), pionnier de la couleur en Amérique latine, il témoigne de l’effondrement de l’économie en Argentine au début des années 2000. Rosario Lopez (Colombie), ses photos montre les blocs de béton que les habitants ont coulés dans les angles des rues pour empêcher les sans-abri de s’y installer. Sa façon à elle de montrer la pauvreté. Daniel Gonzales (Venezuela) a photographié, dans la ville de Caracas, des graffiti à caractère très irrévérencieux qui raillent le suicide et en même temps le glorifie. Carlos ALTAMIRANO (Chili), la grande fierté de cette exposition car c’est la première fois que ses oeuvres quittent le Chili. Oeuvres extrêmement emblématiques de l’art chilien dans les années 70. Il faut absolument prendre le temps de regarder les deux films de Claudia Joskowicz (Bolivie)

« Informer-Dénoncer ». Dans cette pièce la violence politique est omni présente. On observe deux sortes de violences. Celle de la révolution (initiée avec la révolution cubaine) et celle la dictature. Dans les années 60, Juan Carlos Romero (Argentine) a récupéré des Unes de journaux qui montrent la dimension subversives de mouvements ouvriers et étudiants en Argentine. En opposition à Romero qui montre la violence sans rien en cacher, la fondation a choisi d’exposer l’oeuvre de Johanna Calle (Colombie). Elle traite de la violence sans la montrer. On se trouve en face de pages blanches, sans aucune image, avec seulement en bas, des légendes tapées à la machine. Ces légendes parlent de cadavres, de la brutalité de la répression. C’est l’oeuvre qui m’a le plus marquée. Dès l’arrivée dans ce long couloir où on voit d’un côté ces photos hyper violentes faisant face à ces « photos » blanches. On est immédiatement interpelé. Graciela Carnevale (Argentine) un des artistes phare du mouvement « Tucuman Arde » montre parfaitement le lien entre image et écrit pour dénoncer la violence de la dictature. L’oeuvre de Luis Camnitzer (Uruguay) est une des plus emblématique de l’exposition. A travers ses photos il dénonce le rôle néfaste et l’impérialisme américain dans le monde. León Ferrari (Argentine). Dans les années 90 il fait une série d’images intitulées « Nunca mas » qui montre comment, dans la société argentine « démocratisée », les stigmates de la dictature sont encore présentes. Mais la violence n’est pas seulement politique. Il y a aussi celle de la misère humaine. C’est que montre Teresa Margolles (Mexique) dans ses photos. Elle a fait le tour des morgues de Guadalajara pour récupérer les dernières lettres de suicidés. Puis elle a utilisé des extraits pour les inscrire sur les marquises d »anciens cinémas. Elle veut ainsi dénoncer la violence du quotidien.

« Mémoires et identités ». Cette partie de l’exposition essaie de répondre à la question « Qu’est-ce que c’est l’identité latino américaines ? Y a t’il une unité ou une diversité ?  » Certaines photos veulent rendre hommage à des sociétés disparues. D’autres montrent des populations tiraillées entre modernité et tradition. Marcelo Brodsky (Argentine) a fui la dictature en s’installant en Espagne où il a étudié la photo. A son retour en Argentine il a voulu revenir sur son histoire personnelle et a retrouvé de nombreuses photos. Parmi elles, une ancienne photo de classe. Il a recherché chacun de ses camarades de classe puis sur la photo, il a ajouté un petit texte pour dire ce qu’ils étaient devenus et a raillé ceux qui ont disparus. J’ai beaucoup aimé la série de Juan Manuel Echavarria (Colombie). Il témoigne de la violence des luttes entre les Farcs et l’armée colombienne. Une de leurs stratégies est le déplacement forcé de population pour prendre le contrôle de certains territoires. Plusieurs millions de personnes ont ainsi été déplacées. Dans cette série il montre une vingtaine d’écoles de ces villages et ce qu’elles sont devenues suite à l’irruption violente de l’armée pour vider le village. Il termine avec la photo d’un tableau noir dans une salle de classe sur laquelle est écrit : « Ce qui est beau c’est d’être vivant »… Marcos Lopez (Argentine). Il a réalisé la série « Pop latino » dans les années 90. Après avoir vécu 2 ans à Cuba, il a été marqué par les changements survenus en Argentine avec l’ouverture au néo-libéralisme. Ses photos sont très ironiques.Il nous montre une société tiraillée entre la tradition et les effets de la mondialisation.

Voilà, j’ai essayé de faire le tour de toute l’exposition pour vous donner des clés indispensables pour comprendre les messages de toutes ces oeuvres. Je n’ai pas parlé de tous les artistes mais de ceux qui m’ont marquée. Je vous souhaite maintenant une bonne visite.

Finissons en musique avec Meshell Ndegeocello. Un peu de musique soul mêlée de hiphop. Ca fait bouger le body.

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Ancienne parisienne devenue lyonnaise… pas très bavarde voire même un peu « sauvage » et surtout passionnée de street art. Flâneuse urbaine, j’aime partager mes plus belles découvertes avec vous !

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